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Un été sans algues bleues?

Le rôle des bassins versants

Stéphanie Martel
Stéphanie Martel

Depuis 2002, les citoyens peuvent suivre d'encore plus près les décisions qui concernent les plans d'eau. En 2002, sous la gouverne du ministre de l'Environnement de l'époque, André Boisclair, Québec a adopté sa «Politique nationale de l'eau». Celle-ci vise à abandonner une approche par secteur d'activité, au profit d'une gestion intégrée impliquant tous les «acteurs» en ce qui concerne l'eau : gouvernements fédéral, provincial et municipaux, groupes environnementaux, producteurs agricoles, industries touristiques, citoyens, etc. La concertation de ces acteurs, dont les intérêts et les préoccupations sont souvent contradictoires, s'organise autour de 40 bassins versants jugés prioritaires. «Un bassin versant, c'est l'ensemble d'un territoire géographique qui est drainé par un cours d'eau principal – rivière, lac ou baie — et ses tributaires. Les limites du territoire d'un bassin versant, appelées lignes de partage des eaux, ne respectent pas les limites des municipalités ou des régions administratives. Elles sont définies à partir du point le plus élevé qui détermine la direction de l'écoulement des eaux de ruissellement jusqu'aux eaux souterraines», explique la directrice du Conseil de gouvernance de l'eau des bassins versants de la rivière Saint-François (COGESAF), Stéphanie Martel.

Des organismes de bassin versant (OBV) tels que le COGESAF ont été formés pour chacun des bassins versants jugés prioritaires. Leur mission consiste d'abord à dresser un portrait des territoires, puis à consigner dans un Plan directeur de l'eau (PDE) les actions qui devront être entreprises par l'ensemble des acteurs impliqués sur ces territoires, le tout dans une optique de concertation. «On assoit à la même table des gens de différents secteurs et de différentes régions qui n'ont pas l'habitude de travailler ensemble. On leur fait prendre conscience du fait que ce qui est effectué en amont affecte ce qui se trouve en aval. On les amène donc à concilier leurs intérêts et à prendre des décisions», note le président du COGESAF, Jean-Paul Raîche.

Selon M. Raîche, cette nouvelle forme de gouvernance participative doit cependant bénéficier d'un meilleur soutien puisqu'elle est essentielle pour assurer la protection, la restauration et la mise en valeur de nos ressources en eau. «On est dans un nouveau paradigme. Lorsque les gens ont compris la démarche, ils n'ont pas hésité à s'engager», explique Jean-Paul Raîche. Mais son organisme manque de financement. «On a besoin de plus d'argent pour recueillir davantage d'information et pour harmoniser les données existantes. Notre objectif est de mieux caractériser les bassins versants afin de permettre aux acteurs de prendre des décisions éclairées en ce qui concerne leurs interventions concrètes.» Son appel a été entendu, du moins en partie, puisque le ministère du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs a bonifié l'enveloppe des OBV en mars dernier. Mais le président du COGESAF ajoute que les actions adoptées dans le PDE doivent également être mieux financées.

Catherine Choquette, qui enseigne le droit à l'Université de Sherbrooke, renchérit à ce propos : «La gouvernance, c'est un bien beau concept, mais l'appliquer sur le terrain, c'est tout un défi!» La professeure souligne que ces organismes n'ont pas tous les outils en main pour bien remplir leur mandat, à l'heure actuelle. «Il faudrait fournir un cadre d'action formel à ces organismes, qui ne connaissent pas nécessairement l'ensemble de toutes les notions économiques, juridiques et écologiques qui touchent la gestion de l'eau. Plusieurs éléments doivent être considérés pour arriver à des solutions efficaces et équitables, dont le fait que l'eau est à la fois sous juridiction fédérale, provinciale et municipale. C'est très complexe!» Selon elle, des experts du gouvernement dans le domaine de l'environnement devraient agir comme «facilitateurs» et favoriser la mise en commun des connaissances et des expériences des OBV. «Chaque bassin versant est unique, mais il y a certainement des choses qui se répètent. On ne doit pas réinventer la roue chaque fois!»